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NOA NOA

— … Un autre eût éteint aux premiers plans l’incendie tropical pour en réserver les flammes à l’illumination des fonds, laissant sur ce rideau clair cette humanité fauve s’agiter, fantômale, ou s’immobiliser dans la majesté de son ample statuaire, morte : morte, en effet, ou qui bientôt — vous le dites — le sera, grande race épuisée par l’antiquité de son sang et les mollesses d’un climat trop clément, ou atteinte, peut-être, aux sources de sa vie par le poison latin… Un autre, fidèle à la gloire du type occidental de la beauté, nous eût caché le charme dangereux de la Vénus dorée, si robuste (ou si grossière ?) et qui viole nos habitudes éprises de faiblesse gracieuse, d’élégance maladive, de noblesse affinée… Un autre, curieux seulement de vérité…

— Et, chacun selon sa loi propre, tous mentiraient également à ton désir, si tu prétends usurper leur rôle au service de cette Vérité, qui n’est pas, en soi, qui n’a lieu que dans nos âmes, et qui varie avec elles.

— Soit, et je sais que deux paires d’yeux ne virent jamais identique la même réalité. Encore est-il des limites à l’interprétation de l’art. Ici, je sens qu’elles sont franchies. Il y a plus d’invention que d’imitation, plus d’arbitraire despotisme que de fidélité, et j’ai, dès lors, le droit de discuter le caprice qui groupe des fantasmagories de songes sous cette étiquette : Tahiti !

— Non.