Page:Noa noa - 1901.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
NOA NOA

… La princesse entrait dans ma chambre, et j’étais sur mon lit, soufrant, vêtu seulement d’un paréo. Quelle tenue pour recevoir une femme de qualité !

Ia orana, Gauguin me dit-elle. Tu es malade, je viens te voir. — Et tu te nommes ? — Vaïtüa. Vaïtüa était une vraie princesse, si toutefois il en est encore depuis que les Européens ont dans ce pays rabaissé tout à leur niveau. Le fait est, pourtant, qu’elle arrivait là en très simple mortelle, pieds nus, une fleur odorante à l’oreille, en robe noire. Elle portait le deuil du roi Pomaré, de qui elle était la nièce. Son père, Tamatoa, malgré les inévitables contacts avec les officiers, les fonctionnaires, malgré les réceptions chez l’amiral, n’avait jamais voulu être qu’un royal Maorie, gigantesque batteur d’hommes dans ses moments de colère, et, aux sous d’orgie, célèbre minotaure. Il était mort. Vaïtüa, prétendait-on, lui ressemblait beaucoup. Avec l’insolence de tout Européen qui vient de débarquer, casqué de blanc, dans l’Île, je regardais, un sourire sceptique aux lèvres, cette princesse déchue. Mais je voulus être poli.

— C’est aimable à toi d’être venue, Vaïtüa. Veux-tu que nous prenions ensemble l’absinthe !