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NOA NOA

latent du viol : c’est par cet acte d’autorité du mâle, qui laisse à la volonté féminine sa pleine irresponsabilité — car, ainsi, elle n’a pas consenti — que l’amour durable doit commencer. Il se pourrait qu’il y eût un grand sens, au fond de cette violence, d’abord si révoltante. Il se pourrait aussi qu’elle eût son charme, sauvage. Et j’y rêvais bien ; mais je n’osais. Et puis, on disait de plusieurs qu’elles étaient malades, malades de ce mal que les Européens apportent aux sauvages comme un premier degré, sans doute, d’initiation à la vie civilisée.

Et quand les vieillards me disaient, en me montrant l’une d’elles :

Maü téra (prends celle-ci), je ne me sentais ni l’audace ni la confiance nécessaires.

Je fis savoir à Titi que je la recevrais avec plaisir.

Elle vint aussitôt.

L’essai me réussit mal, et je pus apprécier, à l’ennui que j’éprouvai dans la compagnie de cette femme habituée au luxe banal des fonctionnaires, quels réels progrès j’avais faits déjà dans la bonne Sauvagerie.

Au bout de quelques semaines, nous nous séparâmes pour toujours, Titi et moi.

De nouveau, seul.