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NOA NOA

Une femme commence : sa voix s’élève, comme un vol d’oiseau, et de la première note atteint aux cimes de la gamme, puis, par de fortes modulations, s’abaisse et remonte et définitivement plane, tandis qu’autour de celle-ci les voix des autres femmes à leur tour s’envolent, pour ainsi dire, et la suivent, et l’accompagnent, fidèlement. Enfin, tous les hommes par un cri guttural et barbare, un seul, terminent en accord dans la tonique.

Quelquefois, pour chanter et pour causer, on s’assemble dans une sorte de case commune. On débute alors par une prière ; un vieillard la récite d’abord, consciencieusement, et toute l’assistance la reprend en refrain. Puis on chante, ou bien on conte des histoires pour rire. Le thème de ces récits est très tenu, presque insaisissable ; ce sont les détails brodés sur cette trame, subtile par sa naïveté-même, qui amusent.

Plus rarement, on disserte sur des questions sérieuses, on fait des propositions sages.

Voici celle que j’entendis, un soir, et qui ne laissa pas de me surprendre :

— Dans notre pillage, disait un vieillard, on voit par ci par là, des maisons qui tombent en ruines, des murs délabrés, des toits pourris, en trou verts, où l’eau pénètre quand par hasard il pleut. Pourquoi ? Tout le monde a le droit d’être abrité. Ce n’est pas le bois, ce n’est pas le feuillage qui manquent pour