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Page:Noailles - Derniers vers, 1933.djvu/55

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Mon père me parlait des rives bucoliques,
Des espaces brillants de maïs et de blé ;
J’imaginais debout, dans les sillons comblés,
Le paysan rieur, au cœur mélancolique.

Puis un jour j’entendis d’étranges violons
Dont Paris acclamait les phrases déchirantes.
J’écoutais ces appels vers les routes errantes
Où mon œil enfonçait son vœu brûlant et long.

L’un des musiciens, dans la troupe enivrée,
Jouait farouchement de la flûte de Pan.
Peut-être que ma vie, à jamais altérée,
De ce chant frénétique et nomade dépend.

Et puis, j’ai voyagé, petite fille encore,
Dans ce pays doré, raisonneur et naïf.
Je me souviens des jours sans fin, couleur d’aurore,
Des enfants nus, des bœufs, des murs blancs et des ifs.

Là, j’ai vu des palais, des églises, des tombes,
Tout ce dont mon esprit ignorant était né.
— Depuis combien de temps prépariez-vous, colombes !
Le pur roucoulement que les dieux m’ont donné ?