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Page:Noailles - Derniers vers, 1933.djvu/92

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Vieux Schubert ! homme rude, attentif à la glose
Que ton savoir consacre aux enfants plébéiens,
Toi dont l’ambition, qui fièrement s’impose,
D’être bourgeois de Vienne et bon musicien,

N’aurait eu pour écho que la nuit éternelle
(L’as-tu su ce soir-là ?), si le petit garçon
Qui vient de s’arracher aux fibres maternelles,
N’eût porté dans son cœur tout l’univers des sons !

— Mystère de l’enfance, où ce que l’œil reflète,
Ce que surprend l’ouïe et ce qu’un corps ressent,
Font de l’être chétif qu’une déesse allaite
La coupe balancée où brûlera l’encens !

Jardin de Lichtenthal, musique dans l’église,
Jeux autour du vieux puits, cris des garçons entre eux,
Village où les auvents font rebondir la brise,
Source, moulin, tilleul, chemins aventureux,

Postillon dans la nuit sur le sol romanesque,
Branchage dépouillé, neige de bleu cristal,
Vous entriez au cœur de Franz Schubert ! Les fresques
Qu’il traça sans répit d’un pinceau musical,