Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/60

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absorbait, la tête courbée, ce vertige errant du naissant été, qui, comme le vent fait aux plantes pelucheuses, lui prenait l’âme, l’éparpillait en désirs et en nostalgie effilés.

Comme à midi, vers le soir une cloche tinta, faisant son bruit d’argent et de porcelaine, cloche à tintement de couvent, qui dansait dans le feuillage et appelait au dîner.

Sabine, habillée de mousseline et de dentelle, la tête nue, était debout au bord du perron. La tristesse de l’ombre, qui fait frissonner les arbres, coulait sur ses cheveux, sur sa peau peureuse, sur son âme au calice large.

Elle regardait le ciel éteint, et les hirondelles, passant sans bouger les ailes, posées de travers, comme une barque qui tangue… Elle rêvait à tout ce qu’elle avait attendu de la vie et qui n’était pas.

Pourtant, puisqu’il y avait ce ciel doux et rose, cette tiédeur à goût d’acacia, cette nervosité de la terre attendrie, l’amour et le bonheur aussi étaient nécessaires et possibles. Non point l’amour faible et souffrant qu’elle éprouvait pour Henri, mais le miracle d’amour inévitable, qui eût mené vers elle, en cet instant, des