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LA DOMINATION

nal ; du côté de la musique, ajoute-t-elle en désignant la barque aux lampions.

Et on va vers la musique. Antoine n’a rien à dire ; une jeune dame s’est confiée à lui, il la ramène à sa demeure. Il se félicite que la voix d’un ténor, sur l’eau, voix puissante et comédienne, le dispense de distraire en ce moment sa mince compagne voilée. Cette voix s’enfle et se rengorge comme un vaniteux pigeon, et Antoine, froissé dans sa délicatesse, méprise cet amant grossier, ce miroir pour les colombes. Il regarde Donna Marie, qui écoute, les yeux embués, ne semblant point disposée à repartir.

« Hélas ! songe Antoine, l’humidité du soir me gagne, pourtant ne devrais-je point, pour conquérir l’estime de la comtesse, m’établir comme elle à rêver ? » Il veut lui parler, louer la beauté de la nuit, mais il perçoit d’ardents soupirs ; et, tandis que l’impudique pâmoison du chanteur italien contagionnait