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LA DOMINATION

Un matin, un jeune poète, qui admirait Antoine, lui apporta le manuscrit d’une pièce en vers. Ce poème était élégant comme Racine, passionné comme Michelet, orgueilleux comme Antoine Arnault, et ce jeune homme avait vingt ans. Antoine le fit revenir ; il le regarda.

« C’est bon, pensa-t-il avec une affreuse douleur, quand je serai vieux on me remplacera, je ne manquerai pas au monde. Voici des garçons de vingt ans qui ont autant d’ardeur que moi… »

Il eut envie de mourir.

Encore une année passa.

Antoine songea aux voyages. Il partit. Il cherchait de beaux silences, de graves enseignements. Il vit l’Espagne, dont la terre brûlante et jaune s’ajustait si bien à lui, qu’il en faisait son manteau, sa pâture, son amour et son cimetière.

Il revit Venise, royale et triste ainsi qu’une