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LA DOMINATION

cri de printemps aigre, clair. Il semblait qu’il eût, cet oiseau, dans son gosier irrité, une petite feuille nouvelle du délicieux térébinthe. Il jetait son cri sans arrêt, comme pour encourager, dans le sol, les faibles fleurs enfermées. Ce cri dit à la jacinthe, à la jonquille, à la tulipe : « Encore un choc, un effort, percez mieux la dure terre ; élancez-vous, bientôt c’est l’air et le ciel, venez, je suis votre oiseau… »

Antoine était satisfait, il travaillait, il goûtait l’ardente pâleur de la jeune fille.

Les jeunes gens qui étaient ses disciples le visitaient, se tenaient debout près de lui, l’écoutaient. Il estimait peu leur ferveur, mais quelquefois il se plaisait dans la société d’André Charmes, son favori, un jeune homme oisif, élégant, de dédaigneuse et fine culture.

Élisabeth fuyait ces étrangers, et elle s’effraya le soir où Antoine Arnault, voyant