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LA DOMINATION

l’infinie pitié sur elle-même regardait par ses fixes yeux.

Ainsi elle mourait faiblement, par une journée lente et traînante, dans l’odeur de l’éther vague, du pavot, de la valériane, cette âme qui avait en soi de quoi briller comme un héros, comme Jeanne d’Arc, quand elle crie, debout sur ses étriers ; comme Yseult terrassée d’amour et qui chante ; qui eût souhaité mourir ivre d’orgueil et de multitude, dans une salle où éclate, en se rompant les veines, l’ardente orchestration, et tandis que six cents voix jetteraient avec elle son dernier soupir…

L’odeur de l’éther mettait un goût de sucre, de folie et de crise, une inépuisable langueur dans cette dolente pièce.

Élisabeth se représentait-elle bien ce que c’est que la mort ? Quelque chose d’épouvantable et d’ordinaire, qu’on n’essaye pas, qu’on ne voit pas deux fois, qu’on va con-