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LA DOMINATION

m’exaltes et me fais rire de ce rire qu’ont les jongleurs qui rattrapent leurs balles, car tu me défies, mais je te vaincs à force d’amour… Vois ma chaleur. Mon sang passe dans mes veines comme des gazelles qui se courbent et se relèvent. Un poète fait dire à la reine Cléopâtre : « Mes lèvres retenaient captive la bouche du monde. » Je te tiens ainsi entre mes lèvres ! Quand je ne serai plus vivant, tu auras beaucoup perdu, car je goûtais et j’honorais tous tes moyens ; je sais comment, en été, au travers des volets de bois et des rideaux de perse lisse, tu extrais d’une chambre froide des mélancolies passionnées et des murmures de roses sèches. Je sais comment tu te poses sur le bord d’un chapeau de jeune fille, comment tu éclaires dans l’azur la poursuite de deux papillons délicats, qui se précipitent et tombent avec cette abrupte et rapide violence que dut avoir dans l’espace la chute des