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LA DOMINATION

» Ô jeunes hommes ! dont les os nus, entassés sur la dalle froide, dans les caveaux de Bazeilles, forment une litière de roseaux durs, ne pouviez-vous point espérer de la vie un sort plus tendre ? Vous n’avez rien connu, ni les loisirs, ni les beaux songes, ni l’amour ; et, si vous avez aimé le combat et votre cher héroïsme, hélas ! quelle paix chez les morts ! Comme il fait sombre ; et quel silence !…

» Oui, pensait Antoine, que la vie soit sainte et sacrée, qu’elle coule comme un fleuve ardent… Mais voici, cloué au mur, taché de boue, faible et froissé, le drapeau de mon pays, et je meurs si on y touche. Je dis : On ne touche point à moi ; on ne met point sa main sur mes yeux et sur ma bouche sans que je me lève et tue. Ô cher honneur, honneur divin !…

Et Antoine Arnault chancelait.

Et rude comme un guerrier grisé, comme