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la justice


Nous dirons au pécheur : je serai votre juge
Moi que le joug obscur du cœur et de la chair
A trouvé sans secours, sans lutte et sans refuge.
Et qui sais que le goût des instants est amer.

Vous êtes le proscrit, vous n’êtes pas coupable
D’avoir pris cette grappe et dérobé ce blé,
Puisque j’ai tous les jours, sans effort, à ma table,
Le pain et le plaisir que vous avez volés.

Le désir et la faim ont des raisons profondes,
On ne peut ni marcher ni respirer sans eux,
Pourtant ils ne sont pas votre part en ce monde
Où votre tâche auguste est d’être malheureux.

Vous êtes le vivant et le saignant mystère
Vous qui, plein de vouloir, de force et de besoins
Ne devez pas toucher aux arbres de la terre,
Aux jeux de la moisson, du pressoir et des foins.