Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
LE ROSSIGNOL DANS LE JARDIN DU ROI

Ces jets de fleurs, ces longs silences, ces repos
Sont un venin qui va plus avant dans les os.
Que ne peut-on s’unir à la brûlante rose,
Aux parfums ondoyants, au faune qui repose
Mystérieux, muet, impalpable, argentin,
Dans l’espace si bas, si proche et si lointain…
– Encor ce vent, cette langueur, cette démence,
Ce croisement d’odeurs, de désirs, de semence…
– Rossignol, vous voyez qu’aucun visage n’eut
Un désespoir plus lourd, plus contracté, plus nu.
Ah faites-moi mourir, à moins que je ne chante
Comme vous, d’une voix déchirante et touchante,
Ivre d’espoir, de songe et de divin ennui,
Mon amour pour la lune et les belles-de-nuit !…

Hélas près de vos cris que mes plaintes sont vaines,
Mais si mon sang coulait, mais si j’ouvrais mes veines…