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LA MALMAISON

Si fins dans le soir qui va naître…
Je vois luire à cette fenêtre
Des rideaux de tulle, un fil d’or
Y met un net, un vif décor ;
Mousseline semblable aux treilles,
Sœur du manteau brodé d’abeilles !
Je vois encor, furtivement,
Dans le secret appartement,
Des flambeaux, des muses de bronze,
Doux objets de mil-huit-cent-onze
Que le silence fait languir…
La Malmaison n’est qu’un soupir,
Tout s’y courbe, tout s’y désole
A la douce façon créole ;
C’est un lieu de grande langueur,
Urne pour la cendre d’un cœur,
Élégie, églogue, romance !…
Le soir pulvérisé commence ;
Des vapeurs d’argent, en arceaux,
S’élèvent des fleurs et des eaux.
Parfum de musc, d’héliotrope…
– Ainsi, le maître de l’Europe,
Le Capitaine aux dieux pareil
A vu descendre le soleil
Sur cette petite prairie !
Que l’âme est grave, est attendrie,
Comme l’on accepte son sort
Dans le jardin d’un héros mort ;
Malmaison, hameau de l’Empire,