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ENCHANTEMENT


Mon Dieu, je ne sais rien, je sais que c’est l’été
Sur ma province coutumière,
Je sais que je revois, ô jardin de clarté,
Vos beaux matins pleins de lumière !

Je sais que ma maison, fraîche et peinte à la chaux,
Si douce sous son toit qui penche,
Est légère et gonflée au cœur du jardin chaud,
Comme une housse en toile blanche.

Je sais que quand le soir voilé, qui vient de biais,
Assombrit les ronces ruchées,
L’odeur des seringas et des lis de juillet
Est sur le vent toute couchée.

Je sais que l’air est lent pendant ces mois d’azur,
Et tout tremblant d’abeilles noires,
Et que l’univers est, – si liquide, si pur ! –
Une belle eau qu’on voudrait boire.