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LE VERGER DE LIS


On se sent pris d’une âpre et délirante angoisse
De ne pouvoir multiplier
Son désir et ses mains autant de fois que croissent
Des lis blancs dans les prés mouillés

Ah pouvoir soulever leur lumineux visage,
Pouvoir leur parler dans le cœur,
Surprendre en leur calice un végétal ramage,
Avoir la gloire chez les fleurs !

Casser leur vive tige, et la portant aux lèvres
Aspirer ce suc et ce vin,
Puis moduler sa joie et ses plaintives fièvres
Aux trous de ces pipeaux divins.

Il n’est pas suffisant qu’on regarde et qu’on touche
Les vergers odorants et verts,
Je voudrais n’être plus qu’une amoureuse bouche
Qui goûte et qui boit l’univers !