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VERGER D’ORIENT

Près des jasmins neigeux et des blancs azalées,
Des clairs camélias, des narcisses, des lis… »
Ô chasteté païenne, ô pureté d’Isis !
Prêtresse du printemps, je serai recouverte
De cet ombrage blanc où nulle feuille verte
Ne met sa forme aiguë et son obscur éclat.
Beaux arceaux enroulés d’encens, je serai là,
Les deux mains sur mon cœur que le soleil transperce…
Et des anges viendront, deux anges de la Perse
Qui dormaient dans un livre enflammé de rayons,
De beaux anges, ailés comme des papillons.
Ils riront, danseront et joueront de la harpe.
Je les contemplerai, le front sous mon écharpe.
Plus charmants que David, plus doux que Gabriel,
Ils auront des turbans comme des arcs-en-ciel ;
Leurs gestes délicats sur les vertes prairies
Feront, comme un vent bleu, tourner leurs draperies.
Et le soir, allongeant leurs robes sur leurs pieds,
Le visage incliné, les genoux repliés,
Dans le gazon obscur que la rosée humecte,
Ils s’étendront, brillants comme deux grands insectes.
Et le temps glissera, ruisseau d’ambre et de miel,
Sous les arbres divins qui découpent le ciel.
Doux loisirs, oraisons, extase, odeur puissante !
Vie heureuse, limpide, indolente, innocente…
– Mais un jour tout sera si plein de passion,
Si pareil à la douce Annonciation,
Qu’un des anges, brisant ma porte humble et fleurie,
Brûlera comme aux pieds de la vierge Marie…