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UN MATIN



Une verte fraîcheur vient des arbres ouverts,
L’air est sensible ainsi que l’âme et que les nerfs,
Et languit ou s’anime autour des molles roses,
Avec des bonds légers, des soupirs et des poses.
Une guêpe au front bleu, qui danse sur l’étang
Semble un mouvant éclat de soleil crépitant.
Le ciel est d’un si clair, d’un si doux ton d’Asie,
Qu’on le baise des yeux et qu’on le remercie.
Sur l’eau mourante passe et dort un petit pont :
Le feuillage allongé des vernis du Japon
Répand son ombre noire et sa puissante essence.
Le pré gonfle et pâlit de vive jouissance
Quand le soleil l’étreint de ses rayons hardis.
Un massif emmêlé luit comme un paradis
Où les naïves fleurs sont des saintes baroques
Avec des bonnets clairs, des rubans et des coques.
– Mais pour que se répande un tel parfum d’amour,
Pour qu’une telle fièvre alanguisse le jour,
De quelle passion êtes-vous animées,
Ô pelouse brûlante, ô roses enflammées ?