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CREPUSCULE DANS LES JARDINS


Ô divin crépuscule, odeur de roses blanches
Le soir est du soleil arrêté dans les branches.
Les arbres des jardins épandent leurs rameaux
Et partagent la paix triste des animaux.
Tout est pensif, chargé de désir et de rêve,
Une vapeur descend, une autre se soulève.
L’air a le poids tombant et la force d’un cœur
Qui s’avance, gonflé de pleurs et de chaleur…
Jardin des soirs, détresse ineffable, mystère !
Tant d’humaine langueur qui monte de la terre !
Le tilleul inquiet, l’érable faible et blanc
Font un geste secret, désespéré, tremblant.
Baisant l’acacia, des roses suspendues
Elancent en tous sens leurs bouches éperdues.
C’est partout un soupir de verte humidité…
Ah ! dans la douce enfance, à ces moments d’été,
Quel énervant conseil d’amour, de suicide,
Venait des âcres fleurs, de la pelouse acide !
Quel martyre étouffant, quel regard vers les cieux,
Quel besoin de briser son cœur délicieux,