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DÉCHIREMENT


Retirez-moi du cœur tous mes jardins d’enfance,
Tout ce qui coule encore de trop tendre en mon sang.
Maintenant que ma vie à sa langueur consent,
Je crains, ô souvenir, votre suave offense.

Les réveils d’autrefois ! lorsque dans les rideaux
Le soleil avivait l’odeur de la cretonne,
Et qu’ébloui de joie et d’azur l’on s’étonne
De revoir le jardin et ses bordures d’eau.

Jardin tout engourdi de silence et de somme,
Où l’arbre est encor plein des frais soupirs du nord,
Où, dans l’air insensible et faible, rien encor
Ne bouge, ne travaille et n’appartient aux hommes.

Jardin fleuri de buis, de verveine et de nard !
– Enfant qui t’asseyais près de l’acanthe bleue,
Ton sort était léger comme le hochequeue,
Mais, ivre d’avenir, tu te disais « Plus tard ! »