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DÉSESPOIR


Toujours recommencer, et le cœur chaque jour
Plus fortement se penche et descend vers l’amour,
L’univers s’élargit, et l’ètre davantage
Est altéré d’espoir, de fièvre et de carnage.

Je croyais que la vie apaiserait un peu
Ce besoin de toucher et de goûter le feu,
Cette ardeur à presser, sur le cœur qui s’embrase,
Des odorants bonheurs la suffocante extase.

Mais chaque jour l’esprit plus vivement ressent
La chaleur des soleils qui pénètrent le sang,
Le brisement lascif des chansons sur un golfe,
Le douleur de reprendre et de relire Adolphe.

Ce soir, où l’univers est un profond soupir,
Je souhaite du fond de mon âme, mourir,
Et je tends mes bras las vers le beau crépuscule
Qui, brûlant et blessé, vers l’infini recule…