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APAISEMENT


Beau matin courageux, innocent, prêt à vivre !
Le feuillage mouillé semble fraîchement peint,
L’espace en soupirant dans le vent se délivre,
Et l’air a la bonté des fruits, du lait, du pain.

L’air va, l’air vient, pressé, transportant sur ses ailes
La mouche dont on voit luire et gonfler le dos.
Il dérange en jouant les torpeurs sensuelles
Et de chaque branchage enlève des fardeaux.

Et l’étendue heureuse en souffles bleus s’exhale.
Je ne reconnais plus, en me penchant sur eux,
Les arbres, les maisons que la nuit théâtrale
Hier soir rendait fous, mornes, voluptueux.

Ah ! comme l’univers, sous le ciel jaune et rouge,
Hier soir se plongeait dans le cœur un poignard,
Et ce matin ce n’est qu’azur qui brille et bouge,
Que feuillage qui rit, qu’odeur de foin, de nard.