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IMPRESSION DU SOIR


Je sens ce soir qu’on peut mourir de poésie.
Le coucher du soleil s’élargit, s’extasie,
Quel rêve brûle en moi ! Comme on est triste et seul
Sous ce voile odorant, sous cet ardent linceul…
En vain je clos les yeux ô musiques ! lumières !
Le cœur tendre et pâmé se meurt sous les paupières.
Hélas ! que tout est beau pour les sens éblouis !
Douceur de tous les cieux ! Noms de tous les pays !
Un humide bonheur enveloppe la plaine,
Il semble que le soir retienne son haleine.
Je n’entends que l’écho de mon sang diligent.
Le sublime univers est un rocher d’argent
Contre qui mon désir bondit, sanglote et s’use…
Ô nuit de Bénarès, ô matin de Raguse !
Le parfum des jasmins s’élance à mon côté.
Tu comprends, j’ai le cœur déchiré de beauté…