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LES ADOLESCENTS


Je le sais, au moment du tendre jour tombant,
Quand l’heure hésite et tremble avant la nuit prochaine,
Et qu’un vent délicat langoureusement traîne
La branche d’un sureau sur la tiédeur du banc,

Quand le soir est plus las qu’une molle colombe,
Et que l’air est troublé d’un si lourd embarras
Qu’on voudrait soulever et prendre dans ses bras
Toute cette douceur du soir divin qui tombe,

Je le sais, dans ces soirs, petits adolescents,
Oppressés jusqu’au cœur d’un désir sans limites,
Votre angoisse, vos chants, votre frayeur imitent
Les soupirs désolés qui vivent dans mon sang.

Vous regardez autour de vous, cherchant à tendre
Un long filet d’amour sur le bel univers,
Et déjà vous mourez de ce silence vert
Plein des frissons secrets qu’une âme peut entendre ;