Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
403
MES VERS, MALGRÉ LE SANG…


— Mes vers, dites à ceux qui liront vos musiques,
Que vous n’êtes qu’un peu de soleil qui descend,
Qu’un peu de frange prise à la pourpre du sang,
Qu’un peu de cendre au bas des brûlures physiques.

Ah ! malgré mes sanglots si pressants et si longs,
Que pouviez-vous garder, dans votre coupe étroite,
De l’immense Océan qui chante et qui miroite,
Million de désirs ! de pleurs ! de violons !

Que pouvez-vous garder des langueurs de Venise,
Des regards de l’Amour aux soupirs allongés,
D’un odorant matin dansant dans les vergers,
Et des soirs abattus où Venise agonise ?

Mais puisque votre écho ne peut être pareil
À la cymbale d’or des chaudes existences,
Peut-être que mon rêve est entré dans vos stances,
Et que vous ressemblez, mes vers, à mon sommeil…