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CHANT D’ESPÉRANCE

 

Ont près d’eux leur odeur comme un gisant orage.
L’on souhaitait mourir, quel oubli du courage
Quel oubli de l’immense et sainte volupté
Entends, c’est le printemps, c’est le futur été
Le vent avec un bruit de musique et de rire
Mène sa danse noire, il respire, il soupire,
Il parcourt le sommet des arbres printaniers,
Au lieu d’ailes, il a des cymbales aux pieds,
Et voici qu’au-dessus du feuillage où je rêve
Ce vent lyrique chante en dispersant les sèves
« Ô vous les plus ardents, les plus passionnés,
Vivez, les verts bonheurs dans les jardins sont nés !
Déjà comme un épais et transparent nuage
La foule des désirs et des soupirs voyage.
Je vous donne cette ample et limpide saison,
Ses parterres sucrés, sa liqueur, son poison,
Ses succulents semis, ses vins, ses douces poses,
Et son regard sanglant de tigre sous les roses.
Courez à ces divins, à ces brûlants combats !
Ô langueur du printemps ! Les parfums flottent bas,
Le pollen du lilas dans le soir glisse et nage.
Roulez-vous sur le cœur de la bête sauvage !
Le Soir mettra sur vous ses doigts voluptueux ;
Les regards enivrés levés vers les cieux bleus,
Vous sentirez, puissante et brûlante faiblesse,
Le sang de votre cœur couler sous sa caresse.
Vivez, souffrez, ayez le plaisir, la douleur,
Que tout l’être fondant soit un torrent d’ardeur ;
Que votre âme échappée, active, vaste, errante,