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LES SAVEURS DE L’AIR


De l’air mouillé de glaise et de frais champignons,
Des longs jours où nous nous plaignons
De voir, sur le jardin, couler la tiède averse
Qui le clôture et le traverse !

Mon Dieu ! que j’ai goûté l’air sage, indifférent
D’un matin à peine odorant,
Et l’air voluptueux et vif des jours d’orage,
Cet air qui rêve et qui voyage !

Que de fois je suis là, respirant seulement,
Heureuse dans le soir clément,
Ou baisant et pressant les douces molécules
De l’air gonflé des crépuscules,

Ou bien, buvant avec chaque grain de la peau,
Cet air vivant, courant, dispos,
Cet air ailé, vivace habitant du feuillage,
Oiseau de la céleste cage !…