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LA CONSOLATION DE L’ÉTÉ

Que de maisons d’été sur les routes rangées !
Les unes, débordant de roses orangées,
Semblent fendre leurs murs et jeter de leur cœur
Ce poids délicieux de lumière et d’odeur.
Épanchement suave, émouvante abondance !
Le monde des frelons, des taons, des guêpes danse
Et blesse, dans sa brusque et rude passion,
L’azur, dont on perçoit la respiration…
Les oiseaux sont légers, une hirondelle incline
Son deuil lisse et furtif sur des œillets de Chine.
— Charmilles, ifs taillés, sentiers de buis ornés !
L’ombrage et le soleil, pétales alternés,
S’aiguisent l’un à l’autre, et tremblent sur le sable
Un jardin est secret, profond, inépuisable ;
Tout y est ténébreux, confortable et divers,
Toutes les plantes ont d’autres teintes de vert.
La clématite, éparse et molle, se comporte
Autrement que les lis qui veillent à la porte
Chaque fleur a ses jeux, sa foi, son passe-temps
Semblable au nénuphar sur un tranquille étang,
La capucine, au bord de son large feuillage
Liquide, transparent, frais et détendu, nage ;
L’héliotrope est un subtil grésillement,
Un charbon violet, délicat et charmant,
Dont le crépitement, incessant, tord et ride
L’azur qui se suspend à sa grâce torride.
Et, de tous ces petits calices consumés,
De ces gosiers de miel, ouverts, demi-fermés,
De ces grappes d’odeur, languides, expansives.