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LA DOUCEUR DU MATIN

 
Toute la Terre court, étourdie, amoureuse,
Vers un charmant bonheur,
Et les abeilles sont des cloches vaporeuses
Où sonne un tendre cœur ;

Tout s’élance, tout rit, tout chancelle, tout bouge,
C’est un vertige épars ;
Comme vous oscillez, petite rose rouge,
Sur votre vert rempart !

– Ah ! puisqu’un clair élan joyeux vous précipita
Dans l’espace argenté,
Laissez, tendre univers, que mon amour abrite
Votre écumeux été !

Enroulez-vous à moi, belle petite allée
Avec du sable doux,
Nouez-vous à mes bras, verdure crêpelée,
Montez sur mes genoux,

Suspendez à mes mains, à mon cœur, à ma bouche,
Le beau persil léger,
Le neuf myosotis d’un bleu rude et farouche,
L’odeur de l’oranger.

Guirlandes des rosiers, des vignes et du lierre
Vrilles, festons, Eté !
Soyez un vert ruban qui m’attache et me serre,
Pressante volupté,