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L’absorbante chaleur voile les monts d’albâtre,
Un généreux feuillage abrite les chemins,
Les hameaux ont l’odeur du laitage et de l’âtre ;
Et les montagnes sont, dans l’espace bleuâtre,
Hautes et torturées comme un courage humain.

Au loin les voiliers las ont l’air de tourterelles,
Qui, dans ce paradis liquide et sommeillant,
Renonçant à l’éther laissant flotter leurs ailes
Et gisent, transpercés par le flot scintillant.

Et la nuit vient, serrant ses mailles d’argent sombre
Sur l’Alpe bondissante où le jour ruisselait,
Et c’est comme un subit, sournois coup de filet
Capturant l’horizon, qui palpite dans l’ombre
Comme un peuple d’oiseaux aux voûtes d’un palais…

Un vert fanal au port tremble dans l’eau tranquille ;
Tout a la calme paix des astres arrêtés ;
Il semble qu’on soit loin des champs comme des villes ;
L’air est ample et profond dans l’immobilité ;
Et l’on croit voir jaillir de sensibles idylles
De toute la douceur de cette nuit d’été !

Pourquoi nous trompez-vous, beauté des paysages,
Aspect fidèle et pur des romanesques nuits,
Engageante splendeur, vent courant comme un page,