On voyait dans la ville étroite et sulfureuse
Les étudiants quitter les Universités ;
Leur figure foncée, active et curieuse,
Rayonnait de hardie et fraîche liberté
Sous le fléau splendide et morne de l’été…
Bousculant les marchands de fruits et de tomates,
Encombrant les trottoirs comme un torrent hâtif,
Les chèvres au poil brun, uni comme l’agate,
Dans le soir oppressant et significatif,
Fixaient sur moi leurs yeux directs, où se dilate
Un exultant entrain satanique et lascif.
Comme un tiède ouragan presse et distend les roses,
Le soir faisait s’ouvrir les maisons, les rideaux ;
Des balcons de fer noir emprisonnaient les poses
Des nostalgiques corps, penchés hors du repos,
Comme on voit s’incliner des rameuses sur l’eau…
Des visages, des mains pendaient par les fenêtres,
Tant les femmes, ployant sous le poids du désir,
S’avançaient pour chercher, attirer, reconnaître,
Parmi les bruns garçons qui flânaient à loisir,
Le porteur éternel du rêve et du plaisir…
Tout glissait vers l’amour comme l’eau sur la pente,
Le ciel, languide et long, tel un soupir d’azur,
Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/50
Apparence
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 40 —