Aller au contenu

Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 64 —


Va prier dans Saint-Marc pour ta douce folie ;
Les pigeons assemblés sur la façade en or
Protègent les transports de la mélancolie,
Et les anges des cieux sont plus cléments encor.

Va prier dans Saint-Marc ; les dalles, les rosaces
Ont l’éclat des bijoux et des tapis persans ;
Depuis plus de mille ans dans ce palais s’entassent
Les profanes souhaits parfumés par l’encens.

Vois, sous leurs châles noirs, les tendres suppliantes
Joindre des doigts brûlants et songer doucement.
Divine pauvreté ! cet Alhambra les tente
Moins que les cabarets où boivent leurs amants !

Va prier dans Saint-Marc. Le Dieu des Évangiles
Marche, les bras ouverts, dans de blonds paradis ;
On entend les bateaux qui partent pour les îles,
Et les pigeons frémir au canon de midi.

Des mosaïques d’or, limpides alvéoles,
Glisse un mystique miel, lumineux, épicé ;
Et vers la Piazzetta, de penchantes gondoles
Entraînent mollement les couples exaucés…

Beau temple, que ta grâce est chaude, complaisante !
Ô jardin des langueurs, ô porte d’Orient !