Page:Noailles - Passions et vanités, 1926.djvu/58

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des êtres sa tragédie éternelle, m’avait abandonnée. Dans la chapelle, gorgée pour moi de promesses, je me sentis frustrée de cette fierté paisible, audacieuse, avec laquelle, à l’ordinaire, et tandis que se déroulait la messe, je rêvais à toutes les suavités, à toutes les possessions de la terre !

— Indicibles rêveries brûlantes, qui, comme autant d’équateurs traversant en tous sens le globe, me transperciez de mille flèches torrides, vous par qui j’ai régné sur le monde en suffoquant d’extase solitaire, par qui j’ai été comme un jeune tyran qui veut gouverner les peuples pour les combler de bienfaits et pleurer ensuite aux pieds de ses propres esclaves du regret de n’avoir pu leur donner plus encore, — ô rêveries, c’est à vous que je dois de m’être destinée au langage de la poésie, lorsque je compris, dès mes plus jeunes années, que les éléments, l’espace, la contemplation, les sanglots explosifs et muets de l’âme ne sont pas l’échange intelligible dévolu aux vivants !