Page:Noailles - Passions et vanités, 1926.djvu/62

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porte, et voici qu’éclate, permanente et dans le silence, la tragédie de l’amour indompté ! Un autel, un crucifix, du sang, des larmes, un Dieu qui meurt, des visages peints, frappés de la foudre, des yeux élancés, des cœurs qui se rompent sous des mains qui les compriment, c’est une immense fuite de la vie, arrêtée et fixée dans le moment de son sublime départ ! « Nul n’a un plus grand amour, dit l’Écriture, que de donner sa vie pour son ami. » Ici l’on aimait et l’on mourait. Cet attrait palpitant de l’adolescence pour la douleur, — sommet où le plaisir a son achèvement et se fait porter par l’indicible ivresse au-dessus du trépas, — qui plus que moi l’aura jamais connu ? Donc, petite fille, pendant le service divin, je regardais longuement, à travers les fusées de fleurs bleues, les statues de sainte Colette et de sainte Claire ; je me tourmentais du désir de savoir laquelle de ces deux saintes en leur sombre peinture marron, le pur visage rose levé vers la nef, le cœur visible et transverbéré, laquelle des