Page:Nodier - Ackermann - Vocabulaire de la langue française.djvu/11

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manquent et nous manqueront probablement toujours , j’ai dû renoncer à des tables de prononciation inexécutables, me rapprocher de la routine commune autant que cela est possible sans tomber dans I absurde, réduire enfin ces préliminaires à l’exposition de quelques combinaisons d’orthographe imitatîve qui me sont particulières, et à l’explication de certains signes conventionnels que les vocabulaires antérieurs expliquent mal ou n’expliquent point. J’ai donc regardé comme admis tous les principes vulgaires de notre épellation, même quand ils sont radicalement ridicules, comme an, in, on, un, eu, oiu c/i f etc., et surtout quand ils ne peuvent se remplacer par des signes vrais et. spéciaux qui en rendent plus explicitement la valeur ; je me suis soumis sans scrupule a cette nécessité, parce qu’il n’est pas présumable qu’on arrive à consulter le Vocabulaire sans avoir acquis au moins la science indispensable des Petites Tablettes d’école primaire. Dans les cas très-nombreux où Je signe convenu a manqué de netteté, j’ai cherché à le caractériser par une acception de propriété qu’il a bien fallu laisser dans le vague de sa définition, et dont on n’acquerra la perception nette que par le commerce de la parole. Dans les cas, enfin, plus nombreux qu’on ne le croit, où les Focabulistes mes prédécesseurs ont trompé leurs lecteurs sur la prononciation véritable de certaines lettres, ou de certaines alliances de lettres, parce qu’ils se trompaient eux-mêmes, j’ai fait mes efforts pour remédier à leur méprise, avec l’aide des hommes de mon temps qui se sont acquis dans la chaire, à la tribune, au barreau ou au théâtre, la réputation de prononcer la langue française d’une manière à peu près irrépréhensible. Quelques détails sur ce sujet occuperont la dernière partie de mon avertissement.

DE L’ORTHOGRAPHE FIGURÉE DU VOCABULAIRE.

La diphthongue oi est certainement , de toutes les vocalisations de la langue française, celle qui a donné le plus à faire aux phonographes, car elle ne signifie pas du tout dans ses éléments ce qu’elle a la prétention de signifier. Déjà, du temps de Henri Estienne , elle avait été remplacée par le son è dans la prononciation de la cour, qui finissait toujours par devenir celle de la ville ; et Laurent Joubert, grand promoteur de cette révolution italienne qui essayait dé s’introduire dans la parole , est le plus ancien écrivain, je crois, qui ait substitué au signe simple que je viens d’écrire le signe composé ai , qui a prévalu. Dumarsais reprit le premier, Voltaire reprit le second, qui était le plus mauvais, et un prote inconnu du Moniteur, qui a suivi machinalement Voltaire, parce qu’il avait imprimé à Kehl , a été suivi par tout le monde, ou peu s’en faut. C’est une question jugée.

Le seizième siècle n’a pas manqué d’oseurs en néographie, qui, tout en admettant la diphthongue oi, cherchaient à la rapprocher de sa valeur par sa figure, et c’est dans le petit nombre de mots où la délicatesse italienne a permis de la conserver, comme dans mémoire, histoire, gloire et victoire, qu’une singulière faveur de l’usage nous a laissé le droit d’en chercher les éléments , si graves , si euphoniques , si admirés de M. de Voltaire lui-même, si dignes de ses regrets dans tant de belles expressions où son déplorable exemple les a détruits. Pelletier, Meigret , Taillemont , l’un Manceau /les autres Lyonnoès, la représentent 5ar ce digramme oè, que les Vocabulaires n’ont pas accepté, ou qu’ils ont abanonné pour oa, sous le prétexte aussi faux que bizarre qu’à Blois on prononce Bloas, et que la prononciation de Bloas est essentiellement la meilleure des prononciations du monde, . .

faut donc choisir pour prononcer gloire,’ qui est heureusement un mot 

universellement français, entre le gloère de nos vieux Lyonnoès, et le gloare des habitants du Blaisois, qui ne prononcent pas gloare. La première de ces prononciations est provinciale ou patoise ; la seconde est emphatique et affectée. Tai toujours entendu prononcer glou-are, en syncopant Y ou et l’a dans ce monosyllabe, ce qui est la forme propre delà diphthongue. Cest ainsi que "j’ai écrit, et, pour- cette approximation comme pour toutes celles dont je me suis servi pour figurer aussi bien que possible la valeur du mot prononcé, je n’ai pu consulter que l’usage qui m’a paru le plus général et le pfus correct. En qualifiant ce qui me sera propre dans ce travail du nom d 1 approximation , je crojs établir