Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’amitié, le corps arrondi en demi-cerceau, le regard humide et suppliant, la tête si basse, si basse, que ses oreilles traînoient jusqu’à terre comme celles du chien de Zadig… Puck étoit aussi un épagneul.

Si vous aviez vu Puck dans cette posture, vous n’auriez pas eu la force de vous fâcher.

Je ne me fâchai point ; mais il repartit, puis il revint encore, et à mesure que ce jeu se renouveloit, je me rapprochois sur sa trace du point d’attraction qui l’appeloit, jusqu’à ce qu’également attiré par des sympathies parfaitement isogènes ou, si comme moi vous l’aimez mieux, par deux puissances tout à fait semblables, il resta immobile comme le battant aimanté entre deux timbres de fer placés à égale distance.

Sur le banc du rocher dont Puck me séparoit avec une précision si exacte que le compas infaillible de La Place n’auroit trouvé, ni d’un côté ni de l’autre, le moyen d’insérer un seul point géométrique, étoit assis un jeune homme de la figure la plus aimable, de la physionomie la plus touchante, vêtu d’une blouse bleu de ciel, en manière de tunique, et la main armée d’un long bâton de cytise recourbé par le haut, ajustement singulier qui lui donnoit quelque ressemblance avec les bergers antiques du Poussin. Des cheveux blonds et bouclés s’arrondissoient en larges anneaux autour de son cou nu, et flottoient sur ses épaules. Ses traits étoient graves sans austérité, tristes sans abattement ; sa bouche exprimoit plus de déplaisir que d’amertume ; ses yeux seuls avoient un caractère dont je ne pouvois me rendre compte. Ils étoient grands et limpides, mais fixes, éteints et muets. Aucune âme ne se mouvoit derrière eux.

Le bruit des brises avoit couvert celui de mes pas. Rien n’indiquoit que je fusse aperçu. Je pensai qu’il étoit aveugle.

Puck avoit étudié toutes mes impressions, et au pre-