Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/136

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Brisquet ne posa pas sa bonne hache. Il se mit à courir du côté de la butte.

— Si tu menois la Bichonne ? lui cria Brisquette.

La Bichonne étoit déjà bien loin.

Elle étoit si loin que Brisquet la perdit bientôt de vue. Et il avait beau crier : — Biscotin, Biscotine ! On ne lui répondoit pas.

Alors, il se prit à pleurer, parce qu’il s’imagina que ses enfants étoient perdus.

Après avoir couru longtemps, longtemps, il lui sembla reconnoître la voix de la Bichonne. Il marcha droit dans le fourré, à l’endroit où il l’avoit entendue, et il y entra, sa bonne hache levée.

La Bichonne étoit arrivée là, au moment où Biscotin et Biscotine alloient être dévorés par un gros loup. Elle s’étoit jetée devant en aboyant, pour que ses abois avertissent Brisquet. Brisquet d’un coup de sa bonne hache renversa le loup roide mort, mais il étoit trop tard pour la Bichonne. Elle ne vivoit déjà plus.

Brisquet, Biscotin et Biscotine rejoignirent Brisquette. C’étoit une grande joie, et cependant tout le monde pleura. Il n’y avoit pas un regard qui ne cherchât la Bichonne.

Brisquet enterra la Bichonne au fond de son petit courtil sous une grosse pierre sur laquelle le maître d’école écrivit en latin :

c’est ici qu’est la bichonne,
le pauvre chien de brisquet.

Et c’est depuis ce temps-là qu’on dit en commun proverbe : Malheureux comme le chien à Brisquet, qui n’allit qu’une fois au bois, et que le loup mangit.