Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/15

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— Et ce que c’est qu’un monde, le sais-tu ?

— Un grand corps qui accomplit régulièrement de certaines révolutions dans l’espace.

— Et l’espace, t’es-tu douté de ce que ce peut être ?

— Attends, attends, repris-je, il faut que je me rappelle nos définitions… L’espace ? un milieu subtil et infini, où se meuvent les astres et les mondes.

— Je le veux bien. Et que sont les astres et les mondes relativement à l’espace ?

— Probablement de misérables atomes, qui s’y perdent comme la poussière dans les airs.

— Et la matière des astres et des mondes, que penses-tu qu’elle soit auprès de la matière subtile qui remplit l’espace ?

— Que veux-tu que je te réponde ?… Il n’y a point d’expression possible pour comparer des corps si grossiers à un élément si pur.

— À la bonne heure ! Et tu comprendrois, enfant, que le Dieu créateur de toutes choses, qui a donné à ces corps grossiers des habitants imparfaits sans doute, mais cependant animés, comme nous le sommes tous deux, du besoin d’une vie meilleure, eût laissé l’espace inhabité ?…

— Je ne le comprendrois pas ! répliquai-je avec élan. Et je pense même qu’ainsi que nous l’emportons de beaucoup en subtilité d’organisation sur la matière à laquelle nous sommes liés, ses habitants doivent l’emporter également sur la subtile matière qui les enveloppe. Mais comment pourrois-je les connoître ?

— En apprenant à les voir, répondit Jean-François, qui me repoussoit de la main avec une extrême douceur.

Au même instant, sa tête retomba sur le dos de son escabelle à trois marches ; ses regards reprirent leur fixité, et ses lèvres leur mouvement.

Je m’éloignai par discrétion, j’étois à peine à quelques