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Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/227

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que vous de mère à mes enfants, et de providence visible à leur père !

— Tout sera fait comme vous le désirez, mon digne Toussaint, dit la bonne Huberte, aussi émue que son fils du souvenir qu’avoient réveillé ses dernières paroles. Donnez-vous un peu de bon temps pour ce qui reste de votre fête, car les heures passent vite. Quand la cloche du moutier aura sonné les premières prières des morts, nous serons de loisir pour y penser. Égayez-vous donc bellement, et ne soyez pas en souci sur vos hôtes. En voici déjà deux, le ciel en soit loué, que nous nous efforçons de bien recevoir, et qui seront assez indulgents pour faire grâce à la petitesse de nos moyens, si notre accueil ne répond pas à notre bonne volonté.

— Que le Seigneur soit avec eux, reprit Toussaint en saluant les étrangers qu’il n’avoit pas remarqués jusque-là, et qu’ils se regardent chez nous comme dans leur propre famille ! Faites-leur d’agréables histoires qui leur adoucissent l’ennui des heures, et ne ménagez pas les provisions, car dans la maison de l’ouvrier chaque jour amène son pain.

Ensuite il embrassa encore une fois sa mère, et il se retira.

Les deux hommes dont venoit de parler la vieille Huberte s’étoient levés un moment comme pour répondre à la politesse de Toussaint, et puis ils s’étoient rassis immobiles et en silence à l’autre bout du foyer.

Le premier avoit l’apparence d’un personnage de quelque distinction ; il portoit un juste-au-corps noir à aiguillettes, sur lequel se rabattoit une large fraise blanche à gros plis bien empesés et bien godronnés ; ses jambes étoient enveloppées jusqu’au-dessus du genou, vers l’endroit où descendoit sa cape de drap, d’une bonne paire de guêtres de cuir bouclées en dehors, et son chapeau rabattu étoit ombragé d’une plume flottante qui retomboit devant ses yeux. Sa barbe pointue et grisonnante