Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/127

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de pareils mystères ; mais à l’époque dont nous parlons, c’étoit plutôt, pour quelques pédants ingénieux, un moyen commode et sûr d’étendre leur publicité et de multiplier leurs titres. C’est ainsi que Reuchlin se fit double sous le nom de Capnion, et son neveu Schwartzerde sous celui de Melanchton. C’est ainsi que Chandieu se tripla sous les noms de Sadeel et de Zamariel, et le Breton Penfentenyou sous ceux de Capite Fontium et de Cheffontaines. Tout cela n’étoit guères moins intelligible alors que les simples initiales S. G. S. ou G. C. T. qui n’ont jamais fait méconnoître à personne Simon Goulard, Senlisien, et Gabriel Chapuis, Tourangeau.

L’artifice le plus commun des poètes de la renaissance est le surnom si visiblement emprunté aux traditions romanesques de la chevalerie, comme dans Amadis, chevalier de l’Ardente Épée, qu’imita depuis don Quichotte, chevalier de la Triste Figure. Gringore lui-même est aujourd’hui moins connu que Mère sotte, et Bouchet que le Traverseur des voies périlleuses. Il faut peut-être avoir plus d’habitude de notre ancienne littérature pour reconnoître d’Amboise dans l’Esclave fortuné ; François Habert, dans le Banny de Liesse ; Jehan Chaperon, dans le Lassé de repos ; Jehan Leblond, dans l’Humble Espérant ; Antoine du Saix, dans l’Esperonnier de discipline ; Gilles d’Aurigny, dans l’Innocent égaré ou dans le Pamphile. Ces pseudonymies n’étoient qu’un jeu pour le XVIe siècle, qui comptoit plus d’amateurs de livres et plus d’amateurs de poésie que le nôtre.

Une chose qui démontre que cette innocente supercherie était suggérée par l’influence alors toute-puissante du roman chevaleresque, c’est qu’elle concourt d’ordinaire avec l’emploi de la devise tracée au frontispice ou à la souscription des ouvrages anonymes, comme sur l’écu d’un paladin couvert de sa visière, et telle que