Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/151

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Je voudrois bien m’arrêter ici, au hasard de me laisser reprocher une omission de plus, et je n’ai pas aspiré au complet en ramassant avec peu de soin ces éléments imparfaits d’un livre qui pourroit être utile et curieux ; mais j’entends répéter de toutes parts à mon oreille : « Dans quelle catégorie des langues placez-vous le Culstorisme du sublime poète Gongora, et le Séicentisme du divin poète Marini ? Ces innovations présomptueuses n’ont-elles pas quelque rapport avec celles d’une école de notre temps qui compte aussi des maîtres illustres, mais où tout le monde n’a pas comme eux l’excuse de l’inspiration et du talent ? Ces archaïsmes mal compris, ces néologismes mal faits, ces figures fausses et outrées, ressource facile des esprits médiocres qui dissimulent la honteuse misère du fond sous l’étrange nouveauté de la forme, appartiennent-elles à la langue naturelle du pays, ou ne sont-elles que l’artifice passager d’une langue factice qui n’aura point d’avenir ? La destinée des littératures, en un mot, avoit-elle réservé à notre époque une langue poétique inconnue de tous les âges, ou bien s’est-elle jouée seulement à montrer aux yeux de la postérité, dans une grande aberration, ce qu’étoit devenue en ce siècle de perfectionnement et d’intelligence la France intelligente et perfectionnée ? »

Cette question importune et scabreuse m’embarrassera peu cependant, car je prierai Horace d’y répondre pour moi :

Scribendi rectè, sapere est et principium et fons.
De Art. poet.

La loi universelle et infaillible des langues, c’est le non-sens.

Ch. Nodier.