Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/157

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Furetière, poursuivi par l’Académie en 1683, pour l’entreprise d’un Dictionnaire universel qu’il ne devoit pas voir paroître, lui répondit par deux Factums imprimés en 1685 et 1686, et qui se trouvent ordinairement reliés à la suite d’un Specimen assez étendu de cet ouvrage, Amsterdam, chez Henri Desbordes, petit in-12. Le premier est un excellent plaidoyer où Furetière discute avec beaucoup de solidité, et même avec assez de tact des convenances, le privilége exclusif de l’Académie, et le danger que présenteroit un pareil monopole dans la république des lettres. Ce précis est d’autant plus démonstratif, que l’auteur l’appuie de pièces de comparaison qui établissent clairement la dissemblance du Dictionnaire de l’Académie et du sien, lequel étoit une véritable encyclopédie de la langue, et c’est à cause de cela, par parenthèse, qu’il a vieilli en trente ans, comme l’Encyclopédie de Diderot, et comme vieilliront tous les Dictionnaires techniques, tandis que celui de l’Académie, malgré ses imperfections inévitables, vivra autant que la langue. Il est impossible de contester, après cette lecture, que si Furetière n’avoit pas de son côté les bons procédés, ce qui est vraisemblable, il y avoit cependant le bon droit, et que les chicanes vindicatives de l’Académie ne fussent du plus mauvais goût, dans une affaire où elle devoit donner au moins l’exemple de la sagesse. Au reste, il avait eu soin de désintéresser complettement une grande partie des membres les plus distingués de cette illustre compagnie, en intitulant son mémoire, Factum contre quelques-uns ; il excepta même nominalement de ses attaques, d’abord tous les grands seigneurs, ce qui a été, dans tous les temps, la plus prudente des précautions oratoires, et puis, ces grands seigneurs de la parole, dont les titres en valoient bien d’autres, Huet, Bossuet, Fléchier, Despréaux, Racine et Cor-