Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/178

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jourd’hui de mon avis, d’avoir contribué, par un exemple imposant, à l’altération de l’orthographe.

Pour se former une opinion raisonnable de l’œuvre de l’Académie, et pour en comprendre les conditions nécessaires, il faut remonter à l’époque où elle lui fut imposée dans le dessein de fixer et surtout de conserver la langue. Il en est de la bonne critique ainsi que de la bonne législation qui n’a point d’effets rétroactifs.

L’étymologie étoit fort étudiée au dix-septième siècle. Elle l’étoit peut-être trop, parce qu’elle l’étoit mal, et qu’elle ne pouvoit l’être mieux, dans une langue qui avoit mis en oubli les langues intermédiaires, qui ne savoit rien des langues primordiales, et qui ne pouvoit rattacher ses origines aux langues classiques qu’à travers une foule d’hypothèses et de paradoxes. Ménage, qui manquoit toutefois à l’Académie, car c’étoit un homme de grand savoir, étoit lui-même un fort mauvais étymologiste, et il auroit entraîné cette illustre compagnie dans de graves erreurs, si elle avait eu foi à sa parole. L’Académie se montra pleine de prudence et de goût en laissant la recherche de l’étymologie à un âge plus avancé.

Les nomenclatures scientifiques et industrielles étoient une langue mobile et progressive qui se formoit à côté de la langue usuelle et littéraire, et qui devoit un jour la dépasser en signes propres. L’académie le sentit, et ce fut un grand mérite à elle, puisque rien ne pouvoit lui faire prévoir encore le danger de cette invasion babélique dont toutes les langues sont fatalement menacées. Si elle avoit suivi le plan irréfléchi de Furetière, son Dictionnaire seroit tombé au rang des livres surannés avant d’être sorti de l’impression, et il seroit aussi peu consulté aujourd’hui que le Dictionnaire de Furetière, les nomenclatures techniques ayant changé plusieurs fois de forme entre chacune de ses éditions. Il y