Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

circonscrit, ce sont les livres qui ont été composés par des fous, du droit commun qu’ont tous les hommes d’écrire et d’imprimer ; et il n’y a pas de génération littéraire qui n’en offre quelques exemples. Leur collection formeroit une bibliothèque spéciale assez étendue que je ne recommande à personne, mais qui me paroît susceptible de fournir un chapitre amusant et curieux à l’histoire critique des productions de l’esprit. Je me contenterai, suivant mon usage, d’effleurer cette matière, pour la signaler à des études plus libres, plus laborieuses, et plus étendues que les miennes. Mes savants amis Brunet et Peignot pourroient y trouver le texte d’un ouvrage très piquant, qui prendroit une place essentielle et vide encore dans les annales de l’intelligence humaine.

Il y auroit même moyen de lui donner un aspect satirique en faisant rentrer dans cette catégorie toutes les extravagances publiées avec une bonne foi naïve et sérieuse par les innombrables visionnaires en matière religieuse, scientifique ou politique, dont nos siècles de lumières ont foisonné depuis Cardan jusqu’à Svedenborg, et depuis Svedenborg jusqu’à tel écrivain vivant, dont je laisse le nom en blanc pour ne point faire de jaloux ; mais cette base serait trop large, et le bibliographe risqueroit de s’égarer en la mesurant. Le plus sûr est de l’enfermer dans un petit tour de compas qui n’excédera pas de beaucoup l’enceinte géographique de la Salpêtrière ou de Charenton. Nous y logerons les plus pressés, en attendant que le bon sens des nations ait fait justice des autres.

La liste des fous, ainsi restreinte aux fous bien avérés qui n’ont pas eu la gloire de faire secte, ne sera jamais fort longue, parce que la plupart des fous conservent du moins assez de raison pour ne pas écrire. Elle n’effraiera pas les honnêtes gens qui font leurs délices de la gra-