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LES PAPILLOTES
DU PERRUQUIER D’AGEN.
[PAR M. CH. NODIER.]


C’est une étrange destinée que celle du patois, cette belle langue rustique, mère indignement rebutée de nos langues urbaines et civilisées, que ses filles ingrates désavouent, et qu’elles vont persécuter jusques sous le chaume, tant elles craignent dans l’éclat de leur prospérité usurpée qu’il ne reste quelque part des traces de leur roture.

D’un côté, toutes les institutions qui se disent en voie de perfectionnement, mettent le patois au ban de la littérature ; elles lui interdisent l’air et l’eau, le feu et le lieu, dans les antichambres de l’université ; elles ont des gardes mercenaires au seuil des académies, pour lui rendre impossible, à force de bourrades et de baïonnettes, l’approche du sanctuaire. Elles convoqueroient volontiers, comme au temps de Ramus, une croisade de gâcheurs et de cuistres, à la destruction de ce modeste compétiteur du plat françois des écoles primaires, et du mauvais latin des colléges. C’est une véritable Saint-Barthélemy d’innocents et gracieux idiômes, auxquels il est défendu de se faire entendre, même pendant les heures de la récréation. Malheur à l’élève rétrograde qui rentreroit, intelligible à sa famille et à ses amis, sous le toit de son vieux père ; l’infortuné doit mourir paria, s’il n’a tout à fait rompu le nœud sacré de la parole avec sa tribu de parias. Quant au détestable argot des nomenclateurs et des pédants, quant au galimathias triple des jongleurs