Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/210

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réponds, qui n’a de commun avec Bellaudière, Goudouli, Dastros, et tous ses prédécesseurs, que le charme piquant d’un idiôme plein de nombre et d’harmonie, mais qui les surpasse de toute la portée d’un talent inspiré ; un Lamartine, un Victor Hugo, un Bérenger gascon. Et qu’on n’aille pas imaginer que je me laisse gagner, en lui rendant ce témoignage, aux influences hyperboliques de l’air du pays. Il n’y a rien de plus éloigné de l’exagération.

Ce poète phénomène est un barbier-coiffeur d’Agen, qui feroit aisément la barbe à quelques-uns de nos lauréats, et qui s’appelle Jasmin. Il a modestement intitulé son livre les Papillotes (las Papillotas), à l’imitation de maître Adam, de Nevers, qui appeloit le sien ses Chevilles, et qui étoit aussi un homme de beaucoup d’esprit. Mais que la distance est grande entre maître Adam qui n’avoit que beaucoup d’esprit, et Jasmin qui a du génie ! Qu’elle est grande surtout entre Jasmin et maître André, le seul perruquier poète dont la littérature françoise ait conservé jusqu’ici le souvenir ! Ce n’est certainement pas à Jasmin que Voltaire auroit dit : « Faites des perruques, » ou s’il le lui avoit dit, le malin vieillard, c’est parce que son âme jalouse avoit encore plus de propension à s’effrayer d’une supériorité qu’à s’égayer d’un ridicule.

Quant à moi, je n’ai aucune raison pour ne pas lui adresser cet avis dans toute la sincérité de mon cœur. Faites des perruques, Jasmin, parce que c’est un métier honnête que de faire des perruques, et une distraction frivole que de faire des vers ; faites des perruques, parce que le travail de la main de l’homme est le seul dont l’homme ait droit de s’honorer, le seul dont il puisse goûter le fruit sans le trouver amer ; faites des perruques, pour fournir aux besoins de votre digne famille, pour élever