Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/212

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tufes qui le mystifient. Croyez-moi, mon pauvre Jasmin, la belle langue qui nous a été enseignée, à nous autres gens d’étude et de cœur, est assez riche, grâce à Dieu, pour exprimer toutes les nobles pensées de l’âme, et nous ne ferions qu’apprêter à rire aux saltimbanques de la farce en descendant à leur jargon. Les partis n’ont jamais donné la liberté. C’est un trésor qui se trouve dans le labeur assidu de l’ouvrier, dans les succès légitimes de l’artiste et du poète, dans les méditations du sage, et surtout dans la conscience de l’homme de bien. Tout cela n’empêche pas vos vers politiques d’être bons, excellents, parfaits en tant que vers ; mais pourquoi faites-vous des vers politiques !

À cette critique près, et je ne crains pas que l’auteur s’en exagère l’importance, car elle trahit en dernière analyse une impression tout à fait individuelle ; il n’y a place que pour l’éloge dans un examen impartial des poésies de Jasmin. Lou Chalibari (ou le Charivari, et ce n’est pas un poème politique) est un chef-d’œuvre de facture épique dans le genre du Lutrin, c’est-à-dire dans cette espèce de composition prise à l’inverse du burlesque, où les plus belles formes de la langue poétique s’appliquent à relever de grotesques inventions, et dont la Batrachomyomachie est le type souvent surpassé. Le prix reste à débattre, selon moi, entre le Lutrin, la Secchia rapita et le Charivari ; mais si mon opinion pouvoit devenir contagieuse dans une question où je n’ai point d’autorité, le poète patois auroit des chances. Quel charme et quel bonheur d’expression ! quelle richesse de détails ! quel choix exquis de circonstances dans cette description d’un soleil levant d’hiver :

Cependen lou ten fuch : Durrens lou campanayre
De naou truts candaçats fazio retenti l’ayre ;