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Guillaume Bras-de-Fer ; la poésie ne tarit pas sur les exploits de Guillaume Fière-Brace, dans lequel elle semble avoir réuni ceux d’un grand nombre de guerriers du même nom.

Amat, seulement au troisième livre, commence à nous parler de Robert Viscard. Ce héros vint en Italie après la mort de Guillaume Bras-de-Fer, qui sans doute l’aurait mieux accueilli que ne firent d’abord ses puînés. Robert était le sixième fils de Tancrède. Il semble qu’une fatalité s’attache aux anciens conquérans de l’Italie ; du moins Robert, comme Romulus, préluda-t-il à l’art du conquérant par le métier de voleur. Notre historien ici n’est pas suspect de calomnie : il écrit pendant la vie de Robert ; il s’est proposé d’exalter ses actions et d’en relever la grandeur. Or, il faut l’entendre raconter les premiers exploits de son héros ; comment, n’ayant pu toucher de compassion ses frères, « il regarda et vit terres moult larges et les champs pleins de moult de bestes. Lors s’appensa que feroit le povre, et prendroit voie de larron. En ce métier, toutes choses lui failloient encore, si ce n’est abondance de chair volée ; mais force lui étoit de la manger sans sel, et son boivre étoit solement l’aigue de la pure fontaine. »

Robert n’était-il pas bien à plaindre ? Heureusement il avait l’esprit fécond en ressources. En une cité voisine demeurait un homme riche avec lequel il fit amitié. Cet homme, nommé Pierre de Tyre, voulait que Robert le nommât son père ; il eut assez de confiance en lui pour venir un jour le trouver sans être accompagné. Robert profita de l’occasion : feignant de l’accoler, il le serra si fortement dans ses bras, qu’il le fit tomber à terre, puis il lui lia les pieds et les mains. Quand le bonhomme fut transporté dans la tour qui servait de refuge à son terrible ami, Robert se montra devant lui les yeux remplis de larmes. Je vais citer ici notre chronique : « Robert va agenouillé, et ploia le bras et requist miséricorde, et confessa qu’il avait fait péchié. La povreté